MADIPAX – Maison du Dialogue et de la Paix.

Pour échanger des pratiques…
Pour rester à l’écoute…
Pour construire un vivre ensemble apaisé…
Dans notre société pluri culturelle.
Pourquoi les Voyages de la Paix? – MADIPAX
    

La diversité, vécue dans le cadre d’une laïcité bien comprise, peut favoriser la fraternité et la paix civile

Voyage de la Paix Interculturel Barcelone 3-10 Mars 2024 – MADIPAX

Quelques échos du Voyage de la Paix Interculturel à Barcelone – MADIPAX

L’Abbaye de Montserrat : Médaille d’honneur du Parlement catalan  – ZENIT – Français

Raimon PANIKKAR – MADIPAX

Regarder la haine en face.. Jean-Pierre AUBRET  Vice Président de Madipax



Chers amis de Madipax,
J’ai le plaisir de vous adresser ces quelques réflexions nées de nos échanges et de nos rencontres.
Pourquoi regarder la haine en face lorsqu’on se veut pèlerin de la paix ?
Parce que la haine, les violences, les guerres, ont la mémoire longue, clandestine et tenace.
Les exemples abondent ; j’en prendrai deux :
– la Catalogne de 1936 à 2024 : en quelques entretiens, selon qu’il s’agissait d’un ecclésiastique ou d’un sociologue, nous avons vu resurgir, quatre vingt ans plus tard, deux mémoires opposées et intactes : les massacres de prêtres
par les anarchistes et « le sang et la merde franquistes ».
– second exemple, auquel certains d’entre nous seront sans doute sensibles :
la guerre d’Algérie. J’ai été instituteur en Algérie en 1965 pour aider ce jeune pays indépendant à se construire. Rencontrant 50 ans plus tard de jeunes détenus d’origine algérienne, certains me disaient : «mes grands parents m’ont raconté que les français avaient fait des choses pas bien en
Algérie, non? ».
Je pense, avec beaucoup d’autres, qu’une nation qui ne regarde pas son passé lucidement s’expose au retour de vieux démons. Je crois que le fossé entre la communauté musulmane de France et la communauté nationale, a l’une de ses causes dans cette mémoire douloureuse, inapaisée car pas assez
travaillée. Pourquoi parler de paix au pluriel plutôt qu’au singulier ?
L’idée d’une paix « au singulier » me paraît trop vaste et peu réaliste, contradictoire avec les mouvements historiques dans lesquels nous sommes tous immergés.
L’idée de chemins, d’espaces, de moments, de passerelles, de transitions, d’expériences de paix et de convivialité me paraît plus crédible et plus dynamisante. Je suis très sensible à deux exemples :
– le premier est minuscule,mais il est nôtre : le repas ukrainien organisé par les associations VOLYA et MADIPAX ; la somme modeste récoltée servait à reconstruire l’Ukraine sans attendre la fin de la guerre. J’aime cette idée que l’on puisse toucher du doigt des morceaux de paix tout en luttant pour son indépendance.
– le second est beaucoup plus célèbre : c’est celui des commissions Vérité et Réconciliation conduites par Monseigneur Desmond Tutu pour Nelson Mandela en 1995, immédiatement après la fin de l’apartheid en Afrique du
sud. Ce choix politique et cette expérience concrète d’un revivre ensemble n’ont pas mis l’Afrique du Sud à l’abri d’évolutions sociales et économiques difficiles. Cependant, venant après des siècles d’oppression raciale, elles ont écarté l’imminence d’une guerre civile, redoutée par tous. Mais qu’est ce qu’un athée ?
Vous avez pu, à plusieurs reprises, m’entendre me présenter comme athée, particulièrement auprès d’interlocuteurs à l’identité religieuse affichée.
Pourquoi donc ?
Parce que c’est une identité dans laquelle je me sens bien, en mesure de dialoguer avec les autres conceptions du monde.
Parce que c’est une composante essentielle de l’identité française depuis la deuxième moitié du18 ème siècle, c’est à dire depuis la philosophie des Lumières (c’est le nom qu’elle se donnait) et la Révolution Française. Je crois que nos interlocuteurs sont sensibles à cette dimension pluriculturelle
et dynamique de Madipax.
Parce que je crois avoir constaté que des religieux ouverts et curieux aiment sortir de leur zone de confort, se confronter avec l’idée d’un univers sans divinité. Je l’avais déjà expérimenté en prison avec des détenus musulmans qui acceptaient très bien cette confrontation avec une autre vision du monde, si elle était portée humainement, sans prosélytisme, sous la forme
d’un questionnement partagé . Et alors, c’est quoi un athée ? Et bien en fait, il y en a de toutes sortes, comme les croyants me semble-t-il. Un athée est d’abord un individu singulier, porteur d’un chemin de vie unique, habité d’un mélange de convictions, mais aussi de doutes et de recherches qui peuvent très bien évoluer au fil des rencontres et des expériences de vie ; rien de figé donc.
Il y a bien sûr une base conceptuelle commune. Il paraît plus
raisonnable de penser que l’univers, la vie et l’homme n’ont pas leur origine dans un principe extra naturel. La conséquence morale et politique en est que l’homme est seul responsable de la conduite de sa vie et de la construction des sociétés.
Mais alors quel intérêt un athée peut il avoir à entendre les témoignages d’autres conceptions, croyances et engagements ?  Pour deux raisons :
– parce que les cultures humaines se sont construites autour d’un axe central d’explication globale de l’univers, au- delà du monde environnant immédiat, et que les cultures de l’humanité sont belles, passionnantes et partageables ; elles sont l’oeuvre de la créativité humaine, comme les langues, les arts, les sciences.
– parce que le « besoin de croire » renaît sans cesse, me semble-t-il, et des crises des institutions religieuses et de la sécularisation ambiante (il y a une sorte d’athéisme sociologique, comme il y a des croyances sociologiques).
Ce besoin de croire me paraît alors se tourner ou bien vers des formes religieuses rigides et simplifiées, sans doute par recherche de sécurité, ou bien vers des formes d’itinéraires spirituels personnels, empruntant librement à des héritages multiples.
Si l’on est un athée soucieux du devenir de l’humain et de nos sociétés, on a intérêt à ne pas détourner les yeux de ce « retour du religieux » et à essayer d’y comprendre quelque chose.
Bien amicalement à vous tous et en attendant bien sûr de vous lire.
Jean-Pierre
















Quelle paix pour un vrai dialogue?

Jacques Hubert 
Président de Madipax

A propos du mot PAIX au singulier, voici les réflexions que nous avions menées, à quelques uns, dans
les débuts de MADIPAX, en 2014-2015, et que notre ami Dennis GIRA avait accepté de résumer en ces
termes .
– Il s’agissait, en effet, de rédiger des fiches « techniques » et surtout synthétiques pour aider chaque membre de MADIPAX à réfléchir mais aussi à répondre aux questions diverses souvent posées lors de rencontres ou de conférences. Les sujets étaient les suivants :
«Dialogue Interconvictionnel » ; « Diversité » ; « Paix » ; « Fraternité » ; « Tolérance » « Dialogue » ; « Respect ». 
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Paix
La première définition du mot « paix » dans Le Larousse des noms communs reflète bien ce que souhaite la majorité des citoyens de n’importe quel pays : « Situation d’un pays qui n’est pas en guerre ». La deuxième exprime bien – et c’est triste d’en arriver là – le souhait de très
nombreux pays : « Cessation des hostilités ; traité mettant fin à l’état de guerre ». La plupart des définitions proposées par Le Petit Robert vont dans le même sens : « Rapports entre personnes qui ne sont pas en conflits, en querelle ; situation d’une nation, d’un État qui n’est pas en guerre ; rapports entre États qui jouissent de cette situation » ou encore « rapports calmes entre citoyens; absence de troubles, de violences ».
La paix n’est pourtant pas à penser en des termes « d’absence de guerres, de troubles, de conflits, de querelles, d’hostilités, de violences… » même si de telles conditions valent mieux que leur contraire.
Elle est plutôt à construire ensemble (même quand il n’y a plus de guerres, de troubles, etc.)
et à approfondir constamment dans un esprit de dialogue où chacun a sa place et où la diversité est mise au service du bien commun.
Cette paix est inséparable de la justice, de la liberté, de la solidarité, de la fraternité et de la vérité… une vérité que tous cherchent, ensemble également, car celui qui s’isole dans cette recherche risque de ne jamais sortir de « sa vérité ». Voilà le sens du mot paix (ou Pax) qu’on trouve dans MADIPAX et que tous ses membres veulent promouvoir.
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J’ai entendu, de très nombreuses fois dans ma pratique de la Médiation, ce souhait que la paix serve à rétablir l’harmonie entre deux personnes ou deux groupes en conflit. Comme si , avec une médiation miracle, on pouvait éliminer toute violence et établir une sorte de paix durable !
C’est de l’idéalisme et cette conception, très fréquente aujourd’hui, participe assez souvent à un mythe religieux…Comme dit si bien Woody ALLEN : « La Bible nous dit que le lion et l’agneau partageront la même couche. M’est avis que l’agneau ne dormira pas longtemps. »
Il ne faudrait surtout pas réduire la Médiation à la seule résolution des conflits…comme si ces derniers pouvaient se dissoudre comme le sucre dans l’eau.
Il faut aller plus loin : d’une part, celui qui veut faire s’évaporer les conflits, comme par magie, possède en lui un désir de toute puissance et d’autre part il a peur : on voudrait bien que le conflit disparaisse sous terre à jamais ! Attention à ne pas faire du conflit un absolu au risque de
transformer le monde en un immense champ de bataille entre le Bien et le Mal. Quand on est sûr d’être dans le Bien il n’y a plus aucun problème pour éliminer le Mal : l’autre, le dissident, le juif, « celui qui ne pense pas comme nous ».
Ces binaires, malheureusement très nombreux aujourd’hui, représentent une foule d’intégristes
et de puristes qui ne pense le monde qu’en deux dimensions.
La Médiation, au contraire et grâce au chiffre 3, va permettre aux deux parties en cause, par l’intermédiaire du Médiateur, non seulement de garder leur identité mais de la renforcer. Ils ont pu se confronter, chacun avec l’autre, et grâce au Médiateur ont évité d’être absorbé par l’autre.
Il n’y a ni fusion, ni défaite mais chacun aura pu vivre une avancée, une transformation grâce à la présence catalysante du Médiateur.

Les actions de la Maison du Dialogue et de la Paix, MADIPAX doivent arriver à créer ainsi entre les individus des liens nouveaux, une prise de parole commune, un agir communicationnel là où il n’existait pas.
Nous retrouvons là les visions de ce que Paul Ricœur appelle « une supra-éthique » « cette supra-éthique qu’est le sens singulier des situations, la sollicitude, une sagesse pratique » et chez Emmanuel Levinas le fait d’être responsable d’autrui même si cet autre ne s’estime pas responsable de moi.
Cette asymétrie morale est, pour moi, fondamentale et elle fonde la médiation. Le « qu’as-tu fait de ton frère ? » du début de la Bible est toujours d’actualité et c’est la question transcendantale que l’on retrouve au cœur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) que chacun doit se poser, de quelque religion ou conviction qu’il soit.
Notre société a un besoin urgent, aujourd’hui plus que jamais, d’hommes et de femmes qui acceptent de se consacrer à établir ou rétablir des liens et à dissoudre les incommunications :
c’est cette paix là que nous souhaitons et c’est la dynamique que nous poursuivons avec MADIPAX.
 
Jacques HUBERT,
Pâques 2024.

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