L’interreligieux… vu par le GIP 93
La religion n’est pas la croyance d’un clan.
La religion n’est pas l’illusion des faibles.
La religion n’est pas l’imaginaire des puissants.
Comme un veilleur attend l’aurore Philippe Leclercq L’HARMATTAN
La religion est en inter-face entre le « monde de l’homme » et le « monde de Dieu ».
A y voir « la chose de l’homme », nous pourrions considérer notre terre comme traversée horizontalement par une série de parallèles superposés qui délimiteraient symboliquement chacune des religions de notre monde. Les religions seraient comme des conglomérats humains qui marqueraient leur différence, revendiqueraient leur identité, imposeraient leurs vues d’une manière univoque, hétérogène, sinon même concurrentielle et conflictuelle.
A y voir « l’œuvre de Dieu », nous pourrions considérer notre planète comme traversée verticalement par un méridien unique de référence qui départagerait le jour de la nuit. Sur la face lumineuse de la terre éclairée par le soleil, les fidèles de chaque religion vivraient leur rapport à Dieu dans le dynamisme d’un avenir toujours nouveau. Les frontières interreligieuses, marquées par les parallèles, seraient alors relatives par rapport à cette dynamique fondatrice, créatrice et unifiante. Mais dans la nuit de l’autre face obscure de notre humanité, les membres de chaque religion vivraient leur foi prioritairement dans la peur et l’avidité. En vivant secrètement cette peur en eux-mêmes, ils réduiraient Dieu à la compensation idolâtrée de leur abîme, et la religion, aux certitudes indispensables à leur déséquilibre de vie. Alors le Dieu de l’autre ne peut que porter ombrage, et la pratique de l’autre ne peut qu’être menaçante. Le risque est grand de faire de Dieu une idole, de la religion, une secte, du croyant, un esclave, et de tout homme, un ennemi.
Le GIP 93 réunit des personnes qui apprennent à vivre ensemble et dans leur diversité cette relation au fondement, d’une manière intime et existentielle, selon le cheminement propre de chacun. Toutes les fleurs ont leur place au soleil. La pâquerette vaut un lys. Le pissenlit vaut une rose. Il n’est pas question de grands ou de petits, de bons ou de mauvais. Chacun chante dans son registre propre la grande symphonie du monde aimé de Dieu. Nous pensons que lorsqu’il s’agit du rapport fondamental de chacun à Dieu, la vérité n’est pas univoque mais devient au contraire le bien propre de chacun. La religion devient ce lieu secret du partage de la vie de chacun avec Dieu.
Bien sûr il y a des familles religieuses. Les membres du GIP apprennent à se connaître et se reconnaître en familles. Chaque famille est différente et c’est un bien. Chaque famille a sa place au soleil. Mais chaque famille est aussi appelée à prendre conscience qu’elle n’est pas le tout de l’humanité.
C’est pourquoi la rencontre inter-religieuse est une école d’humilité, pour les personnes comme pour leurs communautés. Car il ne s’agit pas de tout niveler, de dire que tout se vaut, de penser que chacun dit la même chose, de prétendre que tout est interchangeable, que chacun devrait perdre sa propre identité pour fusionner dans un grand tout. Mais il ne s’agit pas non plus de dire ou de penser qu’il n’y a qu’une seule religion qui soit vraie et que toutes les autres se trompent. Nous pensons que le syncrétisme comme l’impérialisme idéologique représentent deux formes de violence et plus fondamentalement encore, deux formes de mensonge.
La vie du groupe vise l’unité, mais pas l’uniformité. La paix ne vient pas de l’oubli ou de l’ignorance des différences, mais au contraire, de la connaissance et de l’acceptation des différences. L’effort qui est à faire s’oriente dans le sens contraire du mouvement spontané. Car il s’agit d’un travail de maîtrise de soi, plutôt que d’un travail de maîtrise de l’autre ou de choses extérieures. Mais ce travail est essentiel car la volonté de puissance orientée vers la maîtrise de l’autre est rigoureusement à l’opposé de toute démarche religieuse authentique.