de Ghaleb Bencheikh
« Dans le cadre de la CMRP, avec humilité et constance, éduquer l’âme humaine… »
Un grand nombre d’hommes et de femmes de bonne volonté, épris de justice et de paix, sont impliqués dans la mouvance du dialogue interreligieux et celui des cultures. Animés des meilleures intentions, ils ont la ferme conviction qu’il faut tout faire pour tordre le cou à la thèse huntinctonienne. Ils sont convaincus qu’ils ne peuvent se résoudre à la théorie du choc des civilisations.
Aussi mettent-ils tout en oeuvre pour promouvoir le dialogue des cultures et la rencontre des civilisations. Simplement nous craignions que, pour sincère qu’elle soit, cette démarche ne puisse accréditer a contrario ce qu’elle veut pourfendre. On ne peut pas, conceptuellement parlant, réfuter d’un côté l’affrontement des civilisations et appeler de l’autre à leur rencontre.
En ce sens que les civilisations et les cultures englobent des mosaïques humaines vivantes, complexes, composites, mutantes et ne sont pas des blocs homogènes monolithiques institutionnalisés avec des pensées univoques. Elles n’incarnent pas des agents historiques condensés et cohérents. Elles ne constituent pas, non plus, des entités compactes avec des politiques étrangères officielles et des diplomaties contractant alliances. Patchworks des peuples en constante évolution, les civilisations n’ont aucune structure pyramidale ni la moindre organisation centralisée. Enfin, nous gagnerions à savoir sortir de l’essentialisme réducteur que d’aucuns accolent aux civilisations.
Celles-ci ne disent jamais «je». Bien au contraire, pour bien des raisons objectives, et d’autres subjectives, relevant de la recherche de la part de bien-fondé et de mystère que recèle l’autre, avec tout ce que cela comporte comme attitude ambivalente face à l’altérité, les couples antithétiques «fascination/aversion» et «attrait/hostilité» s’exercent simultanément et naturellement dans chaque camp, pour les uns et pour les autres. D’ailleurs, généralement, les heurts les plus emportés sont ceux qui opposent les voisins les plus proches.
En réalité, la ligne de fracture passe entre ceux qui promeuvent la dignité humaine et ceux qui méprisent la vie sous quelque latitude que ce soit. De tous temps, le critérium discriminant dans les rapports entre les êtres distingue l’ouverture et la sollicitude de l’intolérance et du rejet au sein d’une même aire civilisationnelle.
Nous essayons dans le cadre de la Conférence mondiale des religions pour la paix, avec humilité mais constance, d’éduquer l’âme humaine pour qu’elle soit réceptive à l’enseignement éthique que recèlent à profusion les grandes traditions religieuses de l’humanité. Avec vigilance et discernement, espéronsle, nous veillerons à ce que nos patrimoines spirituels ne soient pas altérés ni gauchis. Ils demeureront autant de références pour le ressourcement et l’élévation morale dans une culture humaniste d’amour,de justice et de paix.
Le Président de la CMRP
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