Avec ou sans Dieu ? Régis Debray et Claude Geffré

Compte-rendu du Débat en présence de Régis Debray et Claude Geffré, le samedi 14 octobre 2006,
à propos de leur dernier ouvrage commun

Avec ou sans Dieu ?

REVUE DE PRESSE

Le philosophe, le théologien et la religion

Régis Debray, l’agnostique, et Claude Geffré, le dominicain, ont échangé sur l’actualité du fait religieux. Une discussion de haute volée.
Si les messes et les prières ne remplissent plus les églises ou les mosquées, les débats sur les religions remplissent toujours les salles de conférences. Hier, celle de l’Abbaye de St-Jacut-de-la-Mer était archi-comble. Un public de catholiques, en majorité des retraités, venu conforter sa croyance et se ressourcer à la pensée de deux grands intellectuels. A ma gauche, un philosophe et écrivain, un agnostique qui revendique son héritage culturel chrétien, Régis Debray, 66 ans. A ma droite, un dominicain et professeur de théologie, un croyant, spécialiste du dialogue entre les religions, Claude Geffré, 80 ans. A la tribune, les deux co-auteurs du livre d’entretiens « Avec ou sans Dieu? » (éditions Bayard), se partagent la vedette. L’échange est brillant, les concepts pointus, les mots précis, mais le tout reste accessible. Un bonheur pour l’esprit.

« Pourquoi vous, l’agnostique, vous passionnez-vous autant pour les religions et le fait religieux ? » demande Claude Geffré. « J’ai été élevé dans une culture catholique, mais j’ai perdu la foi à l’adolescence, répond Régis Debray. J’ai reçu une éducation supérieure rationaliste. J’ai connu le socialisme réel dans les pays communistes, poursuit l’ancien compagnon de route de Che Guevara dans les années soicante, devenu conseiller de François Mitterrand. Et je me suis toujours demandé pourquoi les religions durent alors que les systèmes économiques changent et s’effondrent. J’en déduis qu’il n’y a pas de société sans transcendance. Ce n’est pas parce qu’on est athée qu’on n’a pas de valeurs sacrées. Et on peut faire vivre une sacralité non religieuse. Un homme qui agit est un homme qui a la foi. Foi en Dieu, mais aussi en la République, en l’avenir. » La discussion est lancée sur des bases très élevées, comme l’on dit au départ d’un record du monde 1500 mètres.

« La quête du divin et du sacré est propre à l’homme, affirme Claude Geffré. Mais il est impossible de rêver d’une religion universelle. Car les religions en tant que systèmes s’excluent les unes aux autres. Mais il existe des expériences communes qu’il faut partager pour entamer et poursuivre le dialogue. »
Une question fuse. Que pense le théologien du récent discours de Benoît XVI sur la violence de l’Islam ? « Il existe un génie de l’Occident, au point de rencontre des traditions bibliques et de la raison critique, dont nous devons être fier, répond Claude Geffré.
Mais attention à ne pas introduire de hiérarchie entre les religions. Le christianisme est porteur d’un message universel qui doit pouvoir s’ouvrir, même si c’est difficile. On ne peut pas légitimer la violence au nom de Dieu, parce que Dieu est amour. »

Pour sa part, Régis Debray met en garde. « Oui, il faut dire non à l’intégrisme. Résister à ses excès, ce n’est pas mépriser l’Islam. Mais ne tombons pas dans le piège de l’ethnocentrisme occidental. Les Lumières sont aussi aveuglantes. Si pour les autres cultures, le christianimse doit se confondre avec la défense des intérêts politiques et militaires de l’Occident, nous faisons fausse route. »

Philippe Gaillard, Ouest France, 15 octobre 2006

 » La question de Dieu court toujours… « 
C’est cette constatation à l’actualité récurrente, énoncée par Claude Geffré, théologien, qui a fait se déplacer un public dense et averti samedi 14 octobre à l’Abbaye. L’assistance a suivi passionnément le jeu de questions-réponses bien rodé entre Claude Geffré et Régis Debray, philosophe, auquel elle était invitée à participer. Elle ne s’en est pas privée.

Le père dominicain et le philosophe ont poursuivi publiquement le dialogue qui font la chair de leur tout récent ouvrage « Avec ou sans Dieu ? », paru aux éditions Bayard. Le livre rédigé à deux têtes et quatre mains laisse la question en suspens, mais incite chacun à chercher une éventuelle réponse qui satisfasse au mieux sa sensibilité religieuse ou simplement humaine. A titre d’exemple, celle des deux auteurs. Là où l’agnostique voit dans la religion « un principe de cohésion sociale mû par une certaine transcendance », le religieux décèle « une façon de faire sens au-delà de la cohésion sociale ».

La transmission en question
Pour l’agnostique, « la permanence du fait religieux » revêt une telle importance que la compréhension de l’histoire des hommes passe obligatoirement par la connaissance.
Devant la « crise de la transmission » à laquelle notre début de millénaire est confronté, Régis Debray charge « l’école de prendre ce relais. Il y a nécessité d’aborder de façon décomplexée le fait religieux à l’école publique ».
La transmission apparaît comme le nouveau cheval de bataille de Régis Debray. Pour y répondre et « lutter contre les ruptures du temps et des générations », le chercheur a fondé la revue « Médium » (revue trimestrielle, uniquemement par abonnement : 01.40.46.01.88). Les rédacteurs y « honorent le souci de transmettre » comme « le plus sûr des remèdes à notre finitude. »

Caroline PARIS, Le Petit Bleu, 19 octobre 2006

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