Après la Grande Marche interreligieuse pour le 25e anniversaire d’Assise,
le 13 novembre 2011
Par Michel Sauquet
Merci Josette pour l’extraordinaire opiniâtreté par laquelle toi et ton équipe, si dynamique et efficace, avez réussi cet événement absolument remarquable, concluant deux autres journées passionnantes.
Je voudrais en particulier dire mon admiration et mon émotion sur trois moments de la journée d’hier :
1. Face à la « dictature du même » dénoncée par Philippe Haddad vendredi, la mise en lumière des différences que permettait un seul coup d’œil sur les porteurs de la banderolle, était d’autant plus positive que chacun des représentants des différentes religions, sans exception, par leurs regards complices, leurs sourires et leurs conversations toute au long de la marche, semblaient des amis de longue date, parfois de fraîche date, mais en tout cas des amis. Avoir le privilège de participer de l’intérieur à cette marche, c’était avoir le privilège de passer de la théorie à la pratique, des bonnes intentions à la réalité de relations humaines sans peur et sans hypocrisie : « pour aller vers la paix, disait notre ami bouddhiste zen, il n’est pas nécessaire de faire des choses grandes et belles, il faut faire les choses avec grandeur et beauté ». Je crois que nous avons tous marché avec grandeur et beauté. Il se trouve, en plus, que la marche était grande et belle, ce qui ne gâche rien !
2. Si l’événement a été marquant à l’intérieur du cortège, combien davantage il l’a été à l’extérieur, à gauche et à droite, sur les trottoirs du parcours ! C’est une idée courageuse et géniale d’avoir inondé les passants, les automobilistes, les consommateurs des terrasses de café, de ce petit tract, simple et direct, que peu ont laissé tomber à terre, et que l’on a vu lire un peu partout avec intérêt et sympathie. Je donne peut-être dans l’angélisme, mais chaque fois que j’ai laissé traîner mes oreilles aux lisières du cortège, j’ai entendu des paroles d’encouragement et des commentaires positifs, comme celui de ces deux jeunes disant tout simplement : « si c’est pour la paix, c’est bien ». J’ai vu aussi, souvent, des poignées de main et des sourires entre ceux qui distribuaient les tracts et ceux qui les recevaient. On sait qu’en général on ne récolte avec cela que des sarcasmes, au mieux de l’indifférence. Il fallait oser, vous avez osé, bravo. Remarquons qu’une manif seulement chrétienne, ou juive, ou musulmane, ou sikh, ou bouddhiste, aurait peut-être provoqué ces réactions de rejet. Mais dès lors qu’on s’affiche ensemble, dès lors que l’on est, comme à Assise il y a vingt cinq ans, « ensemble pour prier » et… pour marcher, alors tout s’inverse et tout n’est que respect. Est-ce de l’ordre de la logique ou du miracle, je ne sais pas.
3. Respect, pas tout à fait cependant puisque l’attitude du comité d’accueil intégriste à l’intérieur de la basilique où nous avons clôturé la marche n’était pas particulièrement respectueuse. Mais là encore il faut tirer son chapeau à tous ceux qui ont trouvé les mots et les gestes pour faire sortir, largement en douceur, des personnes qui étaient bien décidées à se laisser piétiner en martyrs plutôt que de renoncer à leur croisade, tandis que, héroïque, Laurent chantait à pleine sono la force de l’esprit pour couvrir et rendre discrète cette délicate négociation. Après une telle démarche de paix (comment un franciscain ne penserait-il pas à l’épisode du Loup de Gubbio?), la magnifique succession des prières propre à chaque religion n’en a été que plus émouvante. Avec grandeur et avec beauté…
Tellement merci d’avoir osé tout cela !
Michel Sauquet