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Publié le Oct 10, 2021 - 09:07 PM
Religions et LaïcitéExtrait de la Conférence du 25 mai 2021.

Enjeux du dialogue interreligieux dans une société sécularisée

par Ghaleb BENCHEIKH, président de la CMRP-France et de la Fondation de l'Islam de France
Propos recueillis d'un exposé non écrit.

Ghaleb dans un mot d’accueil, avant son exposé, se réjouit de la nouvelle dynamique de la Section française de la Conférence Mondiale des Religions pour la Paix (CMRP-France).

Une société sécularisée

Ghaleb rappelle les problématiques spécifiques et historiques de l’élément religieux en France par rapport aux autres pays. Les heurts vifs du passé entre le 19ème et le 20ème siècle, notamment autour de l’année 1905, sur les questions religieuses et la laïcité ont laissé des traces, même si progressivement survient l’apaisement entre la catholicité et l’anticléricalisme, grâce notamment aux interventions de théologiens catholiques et protestants de renom et au travail remarqué et remarquable.
Puis domine la sécularisation de la société française affichant des taux importants d’indifférence au fait religieux et à la pratique religieuse. Après mai 68 les termes de transcendance, de spiritualité et de solidarité se substituent aux mots Dieu, religion, charité.
Puis à la charnière du 20ème et du 21ème siècle, on assiste à un double mouvement de retour du religieux assez massif, voir revanchard, pour certains, avec certaines « dérives » du new-âge et du tout-spirituel avec le relativisme et le syncrétisme d’un côté, et du fondamentalisme, de l’extrémisme et du fanatisme jusqu’à l’idéologie djihadiste en passant par le conservatisme salafiste, de l’autre.
Bref, tous ces suffixes « ismes » étouffent les racines, particulièrement celles de la civilisation et de la tradition religieuse islamiques quand elles sont coupées de leurs véhicules culturels et de leur humanisme d’expression arabe.

Ces caractéristiques influent le dialogue interreligieux, dès ces périodes.

Puis le dialogue interreligieux a connu ses prémices, bien avant le concile Vatican II, avec les recherches de Louis Massignon sur les Sept Dormants d’Éphèse à Vieux-Marché, puis vient la déclaration conciliaire Nostra Aetate en 1965.

Puis dans la seconde moitié siècle écoulé, l’univers du dialogue interreligieux se stratifie en différentes catégories.
En dehors de l'oecuménisme intra-chrétien et du laïcisme belliqueux, se développent des esquisses de dialogues de vérité ou de vie dans la quotidienneté. Des appartenances religieuses s’affichent entre voisins et collègues, parfois liées à l’année liturgique de chacun et aux fêtes ; s’échangent des vœux et des gâteaux, dans une société française plurielle et « mondialisée » et aux traditions religieuses de plus en plus diversifiées. Et il se trouve que des jeunes musulmans expriment la question identitaire dans la donne religieuse.

Il y a la strate de l’échange éthique sur les valeurs d’accueil, d’hospitalité et de générosité, laissant place à la miséricorde et à la mansuétude, au pardon et à la bonté, à l’entraide et à la solidarité …

Existe aussi la strate du débat académique, réservé aux spécialistes, rompus à la connaissance des références scripturaires des uns et des autres. Ils sont peu nombreux. Et ce débat paraît asymétrique en ce sens qu’il y a surtout des biblistes sémitisants, hébraïsants qui connaissent bien la tradition religieuse islamique. Alors que du côté musulman l’équivalent est très peu représenté, soit parce que cela ne les intéresse pas (« nous sommes détenteurs de la vérité, à quoi bon regarder ailleurs »), soit parce que le tissu social des musulmans de France n’est pas harmonisé avec l’exigence intellectuelle et les connaissances théologiques requises pour ce débat.
En tous cas ce dialogue existe, davantage à l’initiative des chrétiens, dans l’Amitié Judéo-Chrétienne et dans le Groupe de Recherche Islamo-Chrétienne (GRIC) ; tout comme il existe un peu dans l’Amitié Judéo-Musulmane.

Il existe aussi dans la rencontre artistique lorsque l’art, miroir du sacré, tentant d’exprimer l’indicible et dire l’ineffable, est sous-tendu par l’émotion religieuse, juifs, chrétiens, musulmans, bahaïs, bouddhistes qui s’émeuvent devant un édifice, une peinture, à l’écoute d’une musique, d’un chant, d’une psalmodie. De même, des artistes, musiciens et peintres, architectes, produisent de l’art mus qu’ils sont par l’émoi religieux.
Enfin, il y a lieu de ne pas oublier la strate mystique ou spirituelle avec des rencontres de femmes et d’hommes, appartenant à des traditions religieuses différentes, qui se retrouvent pour s’adonner à la prière ensemble mais sans prier ensemble dans une liturgie commune conformément à la parole de Jean-Paul II.

Ce panorama global comporte des enjeux.

Les enjeux du dialogue interreligieux

Pour la CMRP, ce n’est pas uniquement une recherche de la vérité. En premier lieu, les enjeux portent sur la paix et la stabilité dans le monde, reprenant ce qu’affirmait Hans Küng, décédé le 6 avril dernier : il ne peut pas y avoir de paix véritable dans le monde sans la paix entre les adeptes des différentes religions ; sachant que toutes les traditions religieuses enjoignent à la paix du monde ainsi qu’à la paix intérieure et avec autrui. Elles enseignent surtout que rien d’utile et de durable ne peut se construire sans l’autre. L’altérité est inhérente à la vie et au développement de l’identité. La diversité et la pluralité constituent un dessein et un plan divin pour les croyants monothéistes, en fidélité à leurs croyances scripturaires.
En France le dialogue interreligieux est un enjeu de cohésion sociale, d’unité nationale et de paix civile d’où la nécessité d’interlocuteurs citoyens responsables, compétents et patriotes, afférents aux traditions religieuses.
Notre nation est la construction d’une association politique de citoyens libres. Et cette association est auto-fondatrice de sa propre légitimité, cela sans référence à un principe transcendant qui la consacrerait. Mais certains contestent cet état de fait.
Sur un autre plan, si elles n’ont pas à s’ingérer dans les affaires de la cité, les traditions religieuses doivent être des forces de propositions sur les questions d’éthique, sur la dignité humaine et la sacralité de la vie sans perdre de vue que : « c’est la loi qui garantit le libre exercice de la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi, avec la loi qui prime la foi. »
Et les traditions religieuses, conformément à leur enseignement d’entraide et de solidarité, peuvent et doivent aider à resserrer le lien social.
Nous savons que dans la société française, se pose la question de la résurgence de l’islamisme radical et du salafisme, jusqu’à des formes de séparatisme et d’extrémisme avec des actions terroristes. Les responsables musulmans ont, par le passé, manqué de détermination et de volontarisme pour affronter ces problématiques, arguant du fait qu’elles ne concernaient pas l’islam comme religion et spiritualité…
S’ils ont évolué depuis 2015, notamment après les attentats terroristes en France, les thèses fondamentalistes demeurent insuffisamment dirimées : absence de colloque d’envergure pour s’élever contre les théories fondamentalistes et endiguer la déferlante wahhabite et djihadiste.
De plus, Il existe un antisémitisme de facture islamiste qu’il faut combattre d’autant plus qu’il ne pourrait être en principe musulman car la foi islamique reconnaît la place fondamentale de Moïse et de la Torah. Et les Arabes sont des sémites.
Pour l’enseignement judaïque comme pour le Coran, toute vie humaine est sacrée (Coran verset 32, sourate 5). Faire périr une vie humaine, c’est tuer l’humanité tout entière. Qu’elle soit israélienne ou palestinienne, toute vie a une valeur, toute vie est une valeur. Quelles que soient les circonstances il nous faut, sans cesse, redire la valeur intrinsèque de toute vie et ne participer à aucune violence. Ce sont le droit et la justice qui garantissent la paix durable. Entendre et écouter toujours pour sortir du piège des enfermements des conflits. Ainsi croyants et responsables religieux doivent-ils s’extraire des émotions pour travailler à rechercher un modus vivendi honorable et juste pour tous.
Pour ce qui est de la nation française, toutes ses composantes : agnostiques, athées, croyants et responsables religieux doivent définir le bien commun et l’intérêt général, l’amitié civique, la fraternité laïque ou spirituelle qui nous réunit. Tel un socle commun, faisant référence pour tous et dans lequel, croyants et incroyants se retrouveront. Les adeptes des traditions religieuses ne vont pas constituer un front commun contre les « mécréants » et chercher à convertir ! Mais, en référence à leurs croyances et/ou convictions, ils vont agir, dans une volonté conjointe, pour asseoir les fondations d’une nation commune fraternelle, solidaire et prospère pour tous. Par sa réussite, elle deviendra un modèle transmissible de coexistence pacifique. Loin de toute recherche de prosélytisme, à l’exemple du judaïsme, la diversité du monde et la pluralité des personnes participent à la richesse d’une nation. Cet enjeu de paix, de cohésion nationale, relève d’une approche métaphysique, il constitue une philosophie de la vie et de la relation. Et les adeptes des traditions religieuses doivent le mettre en avant, l’incarner et le vivre en humilité comme signe d’une tradition élévatrice et vivante, tels des ambassadeurs d’ouverture, de prise en compte de l’intérêt d’autrui, de sollicitude, de tendresse, d’amour, de bonté et de partage.

Des médias et des journalistes, faisant preuve d’inculture, maîtrisent insuffisamment le vocabulaire spécifique aux questions religieuses et troublent les débats et les esprits. Certains arabismes ont perdu leur sens à jamais, (exemples : la fatwa est une condamnation à mort, alors qu’il s’agit d’un avis religieux qui n’entraîne aucune obligation, de même la charia serait une loi de coupeurs de mains, le jihad est une guerre sainte alors qu’il est un effort sur soi-même pour lutter contre ses mauvais penchants et suivre le chemin de la perfection, pour être le meilleur musulman possible), autant de formes non conformes à la neutralité sémantique et au sens premier.
Le traitement médiatique rapide nuit non seulement à l’approfondissement et à la compréhension des questions mais aussi à la justesse et à la réalité des faits dans un contexte de méconnaissance et parfois de haine alimentée par des réseaux sociaux.


Questionnements


Le fait de la pluralité religieuse en France

Cette pluralité n’est pas digérée : certains ne l’ont pas acceptée, des livres et des propos l’expriment. Et notamment des vécus altèrent des expressions de la foi islamique quand certains jeunes musulmans en font essentiellement un moyen d’expression identitaire avec des démonstrations vestimentaires... Il convient de calmer les exaspérations et de rassurer.
Il existe en France, au niveau de notre identité, une roche-mère chrétienne solide et incontestable avec un apport judaïque : l’histoire, l’art, l’architecture, les coutumes, la vie en témoignent. L’apport bahaï, discret et récent, existe, de même celui de la sécularisation. Mais aussi l’apport de l’Islam, fait de fascination et d’aversion, une histoire « mutilée » et « mutilante » (Mohammed Arkoun), occultée et chahutée. La toponymie existe, exemple : le nom de Ramatuelle est initialement attesté sous la forme Rahma-tu Allah (miséricorde de Dieu).
La prégnance civilisationnelle musulmane est là, à travers notamment l’alliance de François 1er et de Soliman le magnifique. La France a été une puissance musulmane d’un point de vue démographique depuis le Second Empire (avec ses colonies et protectorats).
Il est nécessaire de trouver une représentation apaisée de cette histoire. Cette composante arabe et musulmane fait partie du récit commun. Beaucoup parmi nos compatriotes la perçoivent comme une menace alors qu’il s’agit d’une réalité inscrite dans le temps long : les tributs du sang, des larmes et de la sueur, consentis avec l’ensemble des composantes, restent à exprimer d’une manière pédagogique et apaisée, bref une politique à laquelle la Fondation de l’Islam de France (F.I.F) œuvre sans relâche.
La question de l’identité est cruciale et fondamentale. Beaucoup de nos concitoyens saisissent dans ce pluralisme culturel et religieux, une menace pour l’identité française alors que cette dernière ne peut être que plurielle, composite, dynamique, évolutive, vivante et jamais monolithique ou fossilisée. De même que nous avons personnellement des appartenances multiples. L’erreur de certains jeunes musulmans est d’épuiser leur identité seulement dans la donne religieuse. L’identité est multiple et ne se réduit nullement à l’appartenance religieuse.

Le repliement des traditions religieuses.
Toujours un risque de crispation, autour de sa tradition, qui nuit au dialogue pour vivre ensemble la paix. Elle instaure la méfiance, d’où la nécessité de dialoguer, d’affirmer la dignité de chacun et la reconnaissance d’autrui.

Rappel des engagements internationaux de la CMRP
Des petits succès rencontrés au Sierra-Leone, au Mozambique, au Kosovo, au Timor oriental mais un échec patent au Proche-Orient (conflit israélo-palestinien territorial et politique, et non confessionnel à l’origine).
Ne pas oublier l’action autour des enfants-soldats.

Difficultés du dialogue interreligieux
Certes des difficultés persistent toujours et il est nécessaire de ne pas se laisser gagner par le brouhaha et les bruits alarmistes de guerre civile et de désespérance. Mais, avec ténacité, croire à l’invincible espérance que l’homme s’ouvrira à l’homme, que les idéaux de fraternité finiront par prévaloir et triompher. Continuer, comme aujourd’hui, à résister au travers des actions de la CMRP et de celles des associations du dialogue interreligieux.
Continuer à apprendre de notre tradition, en fidélité à notre spiritualité, en suivant les canaux qui donnent sens pour nous, mais aussi, prendre conscience de nos incomplétudes, que nous pouvons nous tromper, que notre voie ne répond pas de tout, cela doit nous pousser à ne jamais cesser de chercher et d’apprendre les uns des autres, de mieux connaître la tradition et les convictions de l’autre, de nous entraider, de partager. Articuler le principe de désir d’altérité et de liberté. Continuer à témoigner avec l’intelligence du cœur et de l’esprit, sans rechercher l’affrontement, mais chacun reconnu dans ce qu’il est et ce qu’il croit comme partie intégrante de notre nation.
Et reconnaître le rôle de la CMRP, en charge de contribuer à tracer des chemins pour répondre à la faim de Paix, réjouissons-nous, pour cela, de son nouveau dynamisme !
 
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