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Publié le Nov 16, 2006 - 01:10 AM
Dialogue interreligieuxRencontre interreligieuse du dimanche 12 novembre 2006 – à Paris.
1986 – 2006

ASSISE VINGT ANS APRÈS

par Madame Jacqueline Rougé


Je voudrais d’abord remercier la famille franciscaine qui a pris l’initiative de cette réunion, et qui nous a invités à partager cette journée avec elle.

Nous célébrons le vingtième anniversaire de la rencontre d’Assise J’y étais, dans le cadre d’un voyage organisé par Pax Christi, et comme co-présidente internationale de la Conférence mondiale des Religions pour la Paix.

Dans la conférence de presse qu’il a donnée avant la réunion d’Assise, le cardinal Etchegaray en avait souligné l’importance :
« Il faut qu’il y ait une raison exceptionnelle pour que le Pape ose prendre une telle initiative. C’est tout simplement la recherche passionnée de la paix entre les hommes et entre les peuples. »

Pour célébrer convenablement cet événement, il faut donc le replacer dans le processus plus général de la mobilisation des forces spirituelles pour la paix.

Je voudrais rappeler d’abord brièvement la triple évolution qui a permis la rencontre d’Assise, inconcevable quelques années plus tôt. Je parlerai ensuite de la journée elle-même telle qu’elle a été vécue. Je dirai quelques mots enfin de la manière dont l’“esprit d’Assise” est toujours à l’œuvre dans le monde.


Un triple mouvement


C’est le 25 janvier 1986, année désignée par l’ONU comme année de la Paix,
que le Pape Jean-Paul II a pris l’initiative sans précédent d’inviter à Assise les représentants de toutes les religions pour une réunion de prière pour la Paix.

Ce qui était “sans précédent”, en fait, c’était le niveau auquel les religions étaient invitées à se faire représenter. L’idée était cependant dans l’air : le dialogue interreligieux se développait dans de nombreux pays à travers des groupes tels que la Fraternité d’Abraham et la Conférence mondiale des Religions pour la Paix ; les mentalités évoluaient,
en particulier dans l’Eglise catholique ; Jean-Paul II en faisait un élément majeur de sa mission.

Dans le domaine interreligieux, la Conférence Mondiale avait démontré, dès la réunion de Kyoto en 1970, que les croyants peuvent et doivent s’encourager mutuellement à chercher dans leurs traditions spirituelles respectives la volonté d’agir ensemble pour la justice et la paix dans le monde. La nouveauté d’Assise, c’est qu’une activité jusque là un peu marginale et quasi confidentielle, a été mise en pleine lumière. Il y a là une leçon utile : les chefs religieux risquent de n’être pas entendus si le travail n’a pas déjà été un peu préparé à la base ; mais le travail de la base n’est efficace que s’il est repris, renforcé, légitimé par ceux qui disposent au sommet d’une autorité reconnue. La réunion d’Assise l’a fait avec éclat.

Dans l’Eglise catholique, le terrain avait été préparé de longue date. Au Concile Vatican II, nous le savons, la méfiance, voire l’hostilité traditionnelles à l’égard des religions non chrétiennes ont cédé la place à une attitude plus respectueuse, et je dirais plus évangélique. La déclaration “Nostra Aetate” est à cet égard un acte fondamental. En s’appuyant sur ce texte, approuvé par l’immense majorité des évêques et sous la forme conciliaire, la plus solennelle qui soit, Jean-Paul II pouvait s’engager sans crainte dans son projet de rencontre interreligieuse.
Vingt ans plus tôt, l’idée de voir le Pape être “ensemble pour prier” avec des hindous, des bouddhistes ou des musulmans aurait été choquante pour beaucoup de catholiques. Depuis Vatican II, au contraire, tout est clair. Le souci de la charité a trouvé toute sa place à côté du souci de la vérité.


Les chefs religieux d’autres communautés qui sont venus à Assise semblent aussi avoir été raisonnablement sûrs, d’une manière générale, que leur présence auprès du Pape ne serait pas mal interprétée. C’est donc que l’opinion y était préparée. Une telle bonne volonté de principe est essentielle. Elle ne va pas de soi. Quiconque s’intéresse au dialogue interreligieux doit travailler à l’entretenir dans sa communauté.

Le Pape Jean-Paul II lui-même s’était engagé depuis longtemps dans le dialogue interreligieux. Deux événements ont mis cette préoccupation particulièrement en relief ; sa rencontre avec 80.000 jeunes musulmans marocains dans le stade de Casablanca en août 1985 ; sa visite à la synagogue de Rome le 13 avril 1986 . Le kilomètre qui, à Rome, sépare le Vatican de la synagogue a été, a-t-on pu dire, le plus long des voyages du Pape “car il a dû traverser deux mille ans d’histoire”. En mettant l’accent sur la dimension spirituelle de ces rencontres, Jean-Paul II a réussi à gagner suffisamment la confiance des responsables des autres religions pour que son invitation à Assise soit perçue comme un geste de bonne foi, exempt d’arrières pensées politiques. Autrement ils ne seraient pas venus. La confiance est, on le constate ici une fois de plus, un élément essentiel pour toute action en faveur de la paix.

Au départ donc, une initiative unilatérale, mais prise dans le mouvement profond qui, depuis trente ou quarante ans, développe chez beaucoup d’hommes religieux le sens de la tolérance et de l’estime mutuelle et le désir d’agir avec d’autres pour le bien de l’humanité.


La journée du 27 octobre


Il a été convenu, dès le départ, qu’à Assise il s’agirait d’une journée de jeûne et de prière. Ce ne devait pas être une sorte de congrès où l’on discuterait d’un plan d’action en faveur d’une cause commune : telle n’est pas la fonction des chefs religieux.

A l’église Sainte Marie des Anges, au pied de la colline d’Assise, Jean-Paul II a accueilli personnellement chaque invité. Dans son mot d’accueil, il a ensuite bien précisé l’enjeu :
« Le fait que nous soyons venus ici n’implique aucune intention de rechercher un consensus religieux entre nous, de mener une négociation sur nos convictions de foi. Il ne signifie pas non plus que les religions peuvent être réconciliées sur le plan d’un engagement commun dans un projet terrestre qui les dépasserait toutes. Il n’est pas non plus une concession au relativisme des croyances religieuses, car tout homme doit suivre honnêtement sa conscience avec l’intention de rechercher la vérité et de lui obéir.
« Notre rencontre atteste seulement — et c’est là sa grande signification pour les hommes de notre temps — que, dans la grande bataille pour la paix,
l’humanité, avec sa diversité même, doit puiser aux sources les plus profondes et les plus vivifiantes où se forme la conscience et sur lesquelles se fonde l’agir moral des hommes. »

C’est par rapport à cette vision profondément spirituelle qu’a été établie d’un commun accord la liste des invités. Le choix même d’Assise plutôt que Rome exprimait le désir du Pape de se placer sous le patronage d’un saint dont chacun pouvait approuver sans réserve l’exemple de tolérance et d’amour universel.

Il a été tenu compte aussi du fait que la prière n’est pas conçue de la même manière dans les diverses traditions religieuses. Il y aurait donc quelque chose de trompeur à faire semblant de partager une prière qui n’a pas le même sens pour tous les assistants. C’est pourquoi le choix a été fait non pas de “prier ensemble”, mais “d’être ensemble pour prier”. Après la cérémonie d’accueil, les participants se sont donc assemblés dans divers lieux d’Assise, proches les uns des autres, mais distincts, pour jeûner, prier, méditer selon leurs traditions propres. Les chrétiens, de toutes confessions, se sont retrouvés dans la cathédrale Saint-Rufin.


J’assistais à cette réunion oecuménique profondément émouvante, marquée par de longs moments de silence. Le Saint Père, les représentants des patriarcats orthodoxes, l’archevêque de Cantorbery, le secrétaire général du Conseil Oecuménique des Églises, les délégués des principales organisations protestantes ont vraiment “prié ensemble” dans un climat de ferveur et de fraternité témoignant de la force si souvent sous-estimée du mouvement pour l’unité des chrétiens.

Tout le monde s’est ensuite mis en route à travers les petites rues d’Assise, dans une joyeuse confusion, vers l’esplanade de la basilique Saint-François où s’est tenu le rassemblement le plus spectaculaire. Chaque groupe religieux s’avançait à son tour pour prier et méditer à haute voix,
entouré du silence respectueux de tous les autres.


La portée d’un geste


Le discours final du Pape, plus développé que ses paroles d’accueil du matin à Notre Dame des Anges et plus philosophique que son homélie de la mi-journée à la cathédrale Saint-Rufin était une sorte d’épanchement éloquent et méditatif sur l’expérience que tous venaient de vivre. Je vous en cite quelques passages :

« Devant le problème de la paix, deux éléments semblent avoir une importance suprême, et tous les deux nous sont communs à tous. Le premier est l’impératif intérieur de la conscience morale qui nous enjoint de respecter, de protéger et de promouvoir la vie humaine, (...) spécialement pour les faibles, les déshérités, les abandonnés : c’est l’impératif de surmonter l’égoïsme, l’avidité et l’esprit de vengeance.
« Le second élément commun est la conviction que la paix va bien au-delà des efforts humains, particulièrement dans l’état actuel du monde, et, par conséquent, que sa source et sa réalisation doivent être cherchées dans cette Réalité qui est au-delà de nous tous.
« C’est pourquoi chacun de nous prie pour la paix. Même si nous pensons, et c’est le cas, que la relation entre cette Réalité et le don de la paix est différente selon nos convictions religieuses respectives, nous affirmons tous qu’une telle relation existe. (...)
« Bien que la prière soit en elle-même une action, cela ne nous dispense pas de travailler pour la paix. Ici, nous agissons comme les hérauts de la conscience morale de l’humanité en tant que telle, de l’humanité qui veut la paix, qui a besoin de la paix. »

La journée s’est achevée par un grand envol de colombes et par un repas sans cérémonie pris en commun dans le monastère franciscain.


L’écho d’Assise dans le monde


En dehors d’Assise de nombreuses réunions de prière ont été organisées partout. Du point de vue politique, soixante chefs d’état ou de gouvernement ont exprimé leur soutien. Le plus étonnant, peut-être, est le fait que l’appel du Pape pour une trêve générale s’est soldé effectivement par une nette diminution des combats partout dans le monde ce jour-là.

Le principal acquit d’Assise, c’est d’avoir fait sauter un certain nombre de verrous, d’avoir secoué l’opinion et débloqué les bonnes volontés. Ce qu’il est convenu d’appeler “l’esprit d’Assise” a suscité par la suite de nombreuses rencontres de par le monde. C’est ainsi que depuis vingt ans, les moines bouddhistes du mont Hiei, au-dessus de Kyoto, organisent tous les étés une réunion de prière interreligieuse. La communauté San Egidio, mouvement italien de laïcs catholiques, fait de même en Europe. La Conférence mondiale des Religions pour la Paix vient de tenir à Kyoto sa huitième assemblée mondiale. On pourrait citer aussi des réunions plus restreintes et d’objet plus limité, comme celle qui rassembla à Assise en 1993 des chrétiens, des juifs et des musulmans européens préoccupés des événements de Bosnie.

On ne refera pas Assise, ce serait comme poser une seconde fois la première pierre d’une cathédrale. Mais Jean-Paul II a réuni le 24 janvier 2002, de nouveau à Assise, des représentants qualifiés de toutes les religions, préoccupés des nouveaux aspects de la violence et du terrorisme. J’y étais également avec un petit groupe d’amis. J’ai assisté à la lecture, par dix responsables successifs, des dix points de la déclaration de principes extrêmement importante qu’on appelle le “Décalogue d’Assise pour la paix”.
Je voudrais en citer simplement le premier point :

« Nous nous engageons à proclamer notre ferme conviction que la violence et le terrorisme s’opposent au véritable esprit religieux et, en condamnant tout recours à la violence et à la guerre au nom de Dieu ou de la religion,
nous nous engageons à faire tout ce qui est possible pour éradiquer les causes du terrorisme. »

Je sais que nous parlerons cet après-midi des nombreuses initiatives et rencontres interreligieuses pour la paix qui existent aujourd’hui dans le monde entier. Le dialogue interreligieux s’enrichit et s’approfondit avec la participation de théologiens. Je me réjouis de penser que toutes ces activités sont marquées par l’esprit d’Assise.


Jacqueline Rougé

présidente honoraire de la Conférence mondiale des Religions pour la Paix



 
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